
Anne Kerebel a 57 ans. Elle vit dans un foyer de L’Arche à Brest depuis 2010 où elle était déjà accueillie à l’atelier de jour. Rencontre.
C’est quoi le bonheur pour toi dans la vie ?
C’est les animaux, en général. J’ai eu des chats souvent, comme je vivais seule. Pour moi le chat ou les animaux, quand vous l’avez chez vous, ça vous réconforte quand vous rentrez du travail : quelqu’un qui vous fait un p’tit câlin. Certes ce n’est pas comme les humains, mais un animal sait toujours nous prendre. Il fait un p’tit ronronnement en nous caressant les jambes, à sa façon. Des fois j’me dis les chats ça reflète peutêtre l’humain. Vous savez un chat comme ça, il nous pardonne. Même si un jour moi j’avais mon chat, j’avais mis une bougie, elle a voulu approcher trop près et elle a eudes bigoudis tout de suite. Après je suis partie à L’Arche et puis il a fallu hélas que je la laisse dans un refuge. Je suis contente, j’ai toujours sa photo. Au début à L’Arche il n’y avait que des poules, mais maintenant il y a des agneaux, un peu de tout !
Est-ce que tu peux raconter une situation où tu n’avais pas le moral, et comment tu l’as dépassée ?
J’ai une amie Lucina, qui était salariée à l’époque et moi j’étais accueillie à L’Arche. Je travaillais au jardin et j’étais un peu énervée ce jour-là et justement elle m’a dit « Mais toi, pourquoi t’es à L’Arche ? Pourquoi t’as demandé à venir à L’Arche ? » Ça m’a fait tilt. J’ai le même âge que Lucina, pourquoi, moi, je n’arrive pas à être telle que je suis ? On est de la même année, pourquoi, moi, je n’arrive pas à aller mieux ? « Pourquoi toi t’as demandé à venir à L’Arche »… Ça m’est resté quelques temps, je n’en ai pas pris conscience tout de suite. Pourquoi ? Parce que je ne pouvais plus vivre chez moi, seule. J’avais ouvert le gaz, je ne savais plus. Pourtant j’étais bien en petit appartement. Je passais peut-être un cap où je ne savais plus gérer toute seule ? Il y avait mes frères et soeurs qui passaient, mais quand un jour tu te rends compte que tu ne peux plus… Certes on a un petit handicap, mais eux ils arrivent mieux que nous. Et quand on réalise vraiment : ah oui, en effet, je suis ici... Moi je croyais encore que j’étais pareille qu’eux. Je me suis dit : mince, en effet. Ça m’a fait remettre mes idées en place.
Un compliment qui sort comme ça en coeur,
C’est bien...
Il est où le bonheur pour toi ?
Dans la nature, et surtout dans les herbes et dans la peinture. Ma prof de peinture elle avait un chien qui s’appelle Ose. Et justement au début moi je faisais attention à Ose, et si on ose regarder la nature, observer soit un arbre, une fleur, une herbe, on s’épanouit. Au début on fait attention à l’arbre, à la fleur, et tout remonte en fin de compte à l’humain. Si on se regarde, au début : « Oh elle a une belle robe », mais on passe devant on ne réagit pas tout de suite. Et puis : « Ah oui c’est une belle fleur, elle a plein de jolies couleurs sur elle. » Tout le monde est une belle fleur. Il peut pleuvoir, il peut faire tous les temps qu’il fait dehors, un compliment qui sort comme ça en coeur, c’est bien !